SVB et Signature Bank, deux établissements de taille moyenne à l’index

En bref

  • La Silicon Valley Bank (SVB), en banqueroute, a servi de banque de dépôts (voire de « réserve de trésorerie ») à beaucoup de start-ups. Dans son sillon, Signature Bank rencontre des difficultés similaires.
  • La SVB n’est pas une banque ordinaire. Fondée il y a 40 ans, elle est devenue l’établissement de référence des entrepreneurs et des fonds de capital-risque de la Silicon Valley. Les start-up grosses consommatrices de cash ont fait appel à la SVB pour déposer l’argent des levées de fonds sur des comptes courants.
  • La faillite de la SVB est emblématique et permet de mettre en évidence certaines limites d’un système bancaire hypersensible à la “viralité”

Un manque d’anticipation de la SVB et des erreurs de gestion

Certes, au niveau macroéconomique le retour de l’inflation a provoqué une hausse des taux d’intérêt changeant la donne notamment au niveau des placements financiers.

Quant à SVB, les dépôts multipliés par 3 en 2 ans, s’élevaient à 189 milliards. C’est le résultat des levées de fonds records enregistrées dans un environnement de taux d’intérêt bas.

La situation périlleuse de SVB résulte des investissements réalisés (des placements longs ou moins liquides, avec des rendements faibles) et d’un grave manquement du management de la SVB. La banque a ainsi investi dans des obligations d’Etat à hauteur de plusieurs dizaines de milliards de dollars et avec la hausse rapide des taux d’intérêt décidée par la Fed ces placements ont brusquement perdu de leur valeur. Cette difficulté se complique quand on investit sur du long terme ou massivement avec des dépôts à court terme, générant un risque de transformation et des déséquilibres bilanciels.

Enfin, l’absence d’un Chief Risk Officer pendant plus de 8 mois en 2022 (d’avril 2022 à janvier 2023) permet de bien comprendre l’état d’esprit de l’équipe dirigeante de la SVB, focalisée sur le développement commercial au détriment des exercices de stress-test élémentaires.

Les conséquences au niveau des marchés financiers, la situation classique de l’effet domino…

Face à cette conjoncture, des spéculations se sont formées via certains fonds d’investissement. Cela s’est traduit par des rumeurs, puis des éléments de panique à caractère viral avec les conséquences suivantes :

  • Un phénomène de Bank Run : une grande majorité des clients de SVB, dès le vendredi 10 mars, ont pu vider leur compte dans un laps de temps très court (avec une amplification du phénomène lié à la structure propre de la clientèle SVB i.e hyperconnectée, hyper réactive…)
  • Une perte de confiance, essentielle au niveau économique et macroéconomique. Dans cette configuration, les valeurs boursières des banques ont été très maltraitées (aux US mais aussi mondialement). Les gouvernements tout comme les autorités de régulation ont notamment pour rôle d’éviter le phénomène de crise financière. En outre, aux États-Unis, avec une place conséquente des marchés boursiers, une chute des valeurs reste très impopulaire avec, pour les gouvernants, un risque politique avéré.
  • On précisera aussi qu’en cas de faillite d’un établissement bancaire, la Fed garantit les comptes de dépôt à hauteur de 250.000 USD. Dans le cas de SVB, une grande majorité des sommes déposées (93% semble-t-il) dépassaient ce montant ; aussi, l’administration américaine a décidé de garantir les remboursements des dépositaires et, à ce titre, de déroger à cette limite (ie une garantie des dépôts par l’administration Biden, et ce, quel que soit leur montant).

Les leçons à tirer pour les jeunes entrepreneurs et les autres acteurs ?

La garantie des dépôts assurée a peut-être permis au travers de cette situation de mettre en exergue les lacunes des jeunes structures sur des sujets financiers. Le domaine médiatique se focalise souvent sur les résultats des levées de fonds. Elles sont toujours plus remarquables, avec des business plans fondés sur une rentabilité peu avérée….

Il est évident que certaines structures entrepreneuriales ignorent les rôles fondamentaux d’une banque et ses garde-fous (ratios de liquidité…).

Ainsi, certaines sociétés de type start-up vivent la relation bancaire comme de multiples transactions ponctuelles alors que la vision bancaire s’inscrit dans le temps long. A côté de l’effet « Waouh » de la levée de fonds et en sus d’un compte bancaire « utilitaire » pour gérer les dépenses courantes, le besoin de contracter un prêt reste nécessaire pour se développer ou faire une acquisition. De fait, en complément d’un compte ouvert au sein d’une jeune banque en ligne – ce qui leur est « naturel » pour les dépenses courantes – un deuxième compte s’avèrera nécessaire dans des établissements plus traditionnels pour contracter un crédit, monter des opérations relevant plus de l’ingénierie financière ou placer l’excédent en cash (…).

Pour des montants de trésorerie conséquents, en termes de diversification des risques, ces structures ont tout intérêt à diversifier leurs partenaires bancaires. En outre, des « pratiques traditionnelles de bonne gestion » conduisent à constituer un juste matelas de disponibilités. Ces bonnes pratiques auraient sans doute évité la situation tendue qu’ont pu connaître des dirigeants peu aguerris ou inexpérimentés au regard de la situation SVB…

Les Auteurs

Vincent Falgeras

Associé

Jean-Fabrice Feuillet

Associé